Szia ! Camilo ici !
Je t’avais laissé sur le train pour Budapest. Il s’agit d’un train de nuit. Très classique. Des sièges verts, moches, non allongeables, six par cabine. Je garde le souvenir de ce type de trains surtout d'Italie. Je les voyais souvent en voyageant vers le Nord. Sûrement aussi quand j’allais vers le Sud mais aujourd’hui c’est le Nord que mon esprit a retenu.
Je dois avouer que ce voyage m’a laissé un goût doux et amer. Assis sur mon siège, vert et moche, en essayant de profiter des derniers barres du wifi de la gare, je vois rentrer un grand boucan. Deux messieurs, une fille et un petit garçon. Une de ces scènes de film américain, doublé en hongraient, sans sous-titres. J’ai pu capter des notes de rage ou d’amour dans leurs au revoir, pourvus que ce n’était qu’un au revoir. Je ne le saurais jamais. Une fille extrêmement gentille, avec un sourire doux et forcé, qui n’a d’yeux que pour son fils. Il s’appelle Lionel. Elle, je n’ai pas vraiment compris. Je parle 4 langues couramment et aujourd’hui je ne trouve pas les mots pour parler avec elle. J’ai compris qu’elle a 28 ans, son enfant en a 3. Elle me parle entre l’allemand et le hongrais et pour bonté divine je comprends quelques idées de ce qu’elle me raconte. Bon sang 4 langues et je n’ai pas été fichu d’apprendre un peu d’allemand ! Elle va voir sa mère dans un village proche de Budapest, mais je n’ai pas compris la raison pourquoi elle a dû se séparer du père de l’enfant. Je n’ai d’ailleurs pas compris en quels termes sont entre eux et cela ne semble pas être un voyage de courte durée. Ce que je vois c’est une mère seule entre deux pays et je ne peux éviter de m’identifier avec Lionel.
Réveil en douceur allongé sur les sièges, la fille avec son enfant est déjà debout et comme depuis hier elle force toujours un sourire (peut-être je me fais juste des idées…). Après l’avoir aidée à descendre ses balises, je la salue avec le souhait que les choses se résolvent au mieux pour elle.
Comme tout touriste insouciant qui se respecte mon esprit est vite arraché des pensées profondes et introspectives lorsque, à la sortie du métro, le parlement s’érige devant moi.
Cela fait moins d’une heure que j’explore Budapest et je l’aime déjà. J’ai l’impression que peu importe où je me retourne quelque chose de beau ou impressionnant est là pour me surprendre. Comme pour Zurich je ne me suis pas spécialement renseigné sur la ville. Tout est une découverte. Il y a du wifi partout donc je trouve facilement les informations.
Le parlement est impressionnant et sa toiture rouge lui donne du caractère à différence des bâtiments trop sérieux de Zurich. J’en fais le tour et je tombe sur un musée pour
commémorer les insurrections à Budapest contre le régime soviétique en ‘56. Cependant le musée se concentre sur la journée du 25 Octobre 1956, quand le AVH (police politique du régime) ouvre le feu sur les manifestants présent dans la place de Kossuth, devant le parlement. Un tel contraste entre la beauté du parlement (et du reste de la ville) et la brutalité d’une histoire qui me paraît controversée. Je sens d’être à un endroit où l’histoire tient ses racines profondes dans la ville et sans aucun doute dans le cœur de ses habitants. Le fait qu’il s’agisse d’une histoire relativement récente rend le lieu bien plus chargé en émotions que Rome où l’histoire a eu le temps de se poser.
Encore une fois je me retrouve à suivre la rivière. Sur les indications je vois l’existence de deux quartiers dont les noms me rendent curieux. Il s’agit de Buda, de l’autre côté de la rivière et Pest, là où je marche actuellement. Je découvrirai bien après qu’il s’agit de deux
anciennes villes qui ont donnée naissance à l’actuelle Budapest. Je m’apprête à traverser ce qui dans mon opinion a dû être l’un des principaux protagonistes pour l’unification des deux villes : le pont des chaines. Ce pont était un exploit d’ingénierie de l’époque et le premier pont permanent à traverser le Danube en Hongrie. Il me fait penser un peu au Brooklyn Bridge. Je dois avouer que Budapest est l’une de ces rares villes qui éveillent en moi la curiosité pour son architecture.
De l’autre côté du pont le château domine sur la rivière et la ville. Impossible de ne pas le remarquer et pour quelqu’un qui aime bien les vues d’en haut, impossible de ne pas y poser son cap. Il y a un funiculaire pour monter les (peut-être) 150m de dénivelé. J’aimerais bien le prendre pour m’amuser mais la queue est telle que je ne m’y approche même pas. Autre point que je remarque, le lieu est rempli de touristes. Voilà que je me retrouve partagé entre l’ennui d'en voir autant et la conscience d’être l’un de ces touristes qui m’ennuient. Bon pas bien grave, plein de touristes veut aussi dire beaucoup de gens à interviewer !
Après Zurich je me suis un peu décoincé et j’hésite moins à demander aux gens. Résultat :
je me prends assez de râteau pour toute l’année. J’insiste sur tout mon chemin depuis le pont jusqu’au château. Ce n’est que lorsqu’un monsieur me demande en haut du château « mais qu’est-ce que vous voulez pour embêter les gens depuis le pont ?» que je m’arrête. Leçon apprise le touriste qui va voir le château n’est pas là pour le partage d’idées. Peut être que je suis trop direct.
J’arrête donc de m’affoler pour parler aux gens et je profite de la vue sur la ville. Le parlement me fascine encore depuis ici et le pont des chaines me rappelle toujours le Brooklyn Bridge. Je fais chauffer mon appareil photo, peut être que j’aurais au moins une bonne photo. Je rentre un peu dans les cours du château et une fontaine en particulier prend toute mon attention ! C’est une scène de chasse au cerf. Bon je ne supporte pas la chasse mais le détail des sculptures, l’expressivité des gestes et le contraste entre les personnages, le tout rendu vivant par l’eau qui court… comme j’ai dit Budapest réussit à éveiller ma curiosité pour son architecture. J’aurais adoré en avoir une belle photo mais la foule de touristes rend mes efforts vains. Ce n’est pas grave cela fera parti des souvenirs qu’on embellit avec les années.
Grand coup de chance, j’ai l’occasion d’assister à ce rituel dont les origines me sont obscures et dont l’utilité l’est encore plus. Le changement de garde, ces dix minutes (toutes les heures en fait) où les militaires se lancent dans une belle chorégraphie, élaborée et solennelle, pour effectuer une action qui autrement prendrai 1 minute. Comme quoi le besoin d’expression artistique ressort même dans les rangs les plus sévères et carrés.
Je ne peux éviter de lever la tête pour regarder les toiture baroques (après plus de 9 ans les cours « del Pippo », mon prof d’art se baladent encore dans ma tête) et c’est ainsi que j’avance depuis le château. Lorsque je vois une belle toiture je m’y dirige. J’ai arrêté de m’inquiéter pour les grandes attractions touristiques et je peux me dédier à ma façon préférée de connaitre un lieu : me perdre.
C’est ainsi que je tombe sur la plus belle toiture de la ville : l’église de Matthias. Eglise Baroque mais pas que. Même sans connaissance poussées en histoire et en art on sent que l’église a vu passer toute sorte de cultures, d’hommes et religions. Ses murs sont immaculés et parfaitement ornés par une toiture colorée en mosaïque. La vue sur la ville à travers les portiques est captivante ! Je divague autour mais sans prendre spécialement de photos, je ne trouve pas un angle qui me plaise et toutes les photos semblent juste fades. A quoi donc en avoir ? Les souvenirs seront plus que suffisant.
En me perdant je finis également pour tomber sur des gens moins pressées, plus réceptives. C’est ainsi qu’au tournant d’une rue sans issues je tombe sur une belle vue de la ville décorée de 4 filles allemandes qui me parlent des effets du changement climatiques sur le textile. Je sais, aujourd’hui, que cela est une thématique bien connue mais ce jour, à Budapest, j’en découvrait les enjeux. Un couple d’israéliens veut bien s’amuser avec mes questions et moi je me remets du commentaire du type à côté du château.
Après avoir parcouru Buda pendant toute la matinée et partie de l’après-midi je décide de me perdre du côté de Pest. Initialement avec l’intention d’aller voir les bains thermaux je préfère marcher dans la ville. Je ne vais pas mentir : mon choix a été très influencé par le prix des bains…
Pest me semble être l’endroit commercial, et après avoir croisée une ou deux églises, quelques places et avoir essayé d’apprécier tous les détails de l’architecture environnante, je finis par me balader dans le parc à place Ferenc. Encore des rencontres dont un Italien qui joue un hang drum (il a un bel Instagram je mets le lien à la fin) et deux slovaques : une fille et sa grand-mère.
Je me suis retrouvé à écouter les histoires de toute une vie de voyages, d’expériences et découvertes. C’était réjouissant de voir les yeux de mamie s’allumer lorsqu’elle se souvenait de ses aventures dans le Caucase, en Turquie, sur le Mont Blanc, dans les Amériques, en Norvège, Russie, le lac Baïkal, l’Afrique ! Quelle vie ! Quelle énergie qu’elle dégage. Même si j’ai besoin de sa petite fille pour comprendre (elle ne parle pas anglais), j’ai les oreilles tendues vers sa voix, les yeux collés sur ses expressions. Et moi je fais quoi ? bon moi je vais que dans le Caucase, pour l’instant. Peut-être un jour je pourrai en raconter autant qu’elle.
Ne sachant plus quoi faire, trop fatigué de traîner mon sac, trop fatigué de divaguer, je me mets en route pour la gare de bus. Un peu loin du centre-ville, à coté du stade de football et comme le métro ne marche pas jusqu’au bout, et bien je marche. Juste avant le stade je tombe sur une exposition photographique qui semble retracer son histoire : on dirait que le football ait eu un certain vécu dans cette ville. Malheureusement je suis bien fatigué et je ne cherche plus à comprendre. Je reste juste surpris certaines de ces photos qui semblent des peintures baroques, peut-être œuvre d’un Caravage hongrois.
Un dernier coup d’œil à l’aigle en face du stade qui me fascine : je n’arrive pas à me décider
si j’aime bien ou pas ! Puis enfin le Flixbus qui va me faire traverser toute la Serbie : demain je me réveille en Bulgarie.
Une petite note : Flixbus a beaucoup, mais beaucoup de quoi apprendre de n’importe quelle compagnie de bus longs trajets au Pérou ou Bolivie et pour ce que j’ai vu en Turquie aussi… mais bon je suis fatigué et là je pourrais dormir n’importe où, n’importe comment !
Bon sur ce je te laisse, j’espère que tu ais apprécié Budapest sur ces quelques lignes vagues.
Alpinismement.
Le lien pour l'instagram de Jacopo, l'italien qui fait du hang drum (clique sur l'image):
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